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Le 60ème escadron en Atrébatie

 

Le 60ème escadron a été formé en mai 1916. A cette époque, le « Royal flying Corps » comptait 35 escadrons en activité dont la majorité opérait en France. La formation du nouvel escadron découlait de l’insuffisance reconnue des machines d’observation. En effet, l’aviation Britannique ne disposait à l’époque d’aucune formation en avion de combat et de reconnaissance monoplace à opposer au Fokker allemand. La formation des pilotes du 60ème a été assurée par le « N°1 Réserve Aeroplane squadron » à Gosport. Parmi les premiers commandants on en compte trois sortis d’Eton: le capitaine R. Smith-Barry, A.S.M. Sommers et H.C. Tower

En temps normal les nouveaux escadrons étaient équipés en Angletere. Le 60ème, lui, a dû traverser la Manche en bateau avec  armes, équipements et fournitures pour recevoir à Saint Omer des Moranes (avions français). Le groupe « A » reçut des Moranes « bullet » de 80 ch, le groupe « B » des moranes biplans de 110 ch et le groupe « C » des Morane « parasols » rapidement remplacés par des « bullets ». C’était un avion difficile à piloter surtout à haute altitude mais qui offrait en contrepartie une vitesse ascensionnelle très appréciable. Son armement était un « Lewis » qui tirait à travers l’hélice dont les pales étaient protégées par des déflecteurs.

Son équipement complété, l’escadron se rendit à Boisdinghem puis, le 10 juin au Vert galant  entre Doullens et Amiens. Les appareils furent peints en rouge pour être reconnus par les artilleurs anti-aériens. Sa participation à la bataille de la Somme coûta cher à l’escadron, tant en hommes  qu’en machines.

LA SOMME – « Noël à SAVY »

« Le 3 août, on nous rapatria du Vert Galant sur Saint André pour récupérer. C’est là qu’on reçut  les premiers groupes de Nieuport. Quinze jours plus tard, un ordre nous enjoignit  de rejoindre IZEL LES HAMEAU  le 16 août.  C’est cet aérodrome qui nous était destiné pour toute la durée de la bataille d’Arras et c’est là que nous avons été finalement équipés en totalité de Nieuport. Nous étions devenus  une unité homogène.  Début septembre, on nous déplaça trois miles plus loin à Savy, à mi-chemin entre Arras et Saint Pol. A partir de ce moment, seuls de petits vols étaient possibles en raison de la pluie et du brouillard persistant et l’escadron se rangea à la manière romaine dans ses calmes quartiers d’hiver.

L’aérodrome de Savy se situait juste au-dessus du village du même nom. Pendant que le groupe « C » résidait dans des cabanes à proximité des machines. Il devait être rapidement opérationnel au cas où il faudrait en découdre avec un Hun assez téméraire pour franchir les lignes. Le reste de l’escadron était logé au château du maire, à une demi-lieue de là dans le village proprement dit.

Ici on élevait des cochons et des dindes. Le mess fut le premier à profiter de cette situation. Cerise sur le gâteau, ceci procura aux hommes un excellent dîner de Noël et fournit la matière pour le banquet d’adieu à Smith-Barry, muté au « Home Etablishement » au début de décembre. Ce dîner fut mémorable, parmi les invités figurait le Général HIGGINS (commandant de brigade), PRETYMAN (commandant d’escadrille), les colonels LEWIS et BARNABY de la défense anti-aérienne, Robert LORAINE et plusieurs autres commandants d’escadrons. L’orchestre de l’escadron, mis en place par VINCENT a joué durant le dîner avec beaucoup d’entrain, aidé par Sergent NICOUD au piano et dirigé par VINCENT lui-même. Cela a largement contribué à maintenir une superbe ambiance durant toute la soirée.

En plus de l’orchestre, l’escadron s’est pourvu à cette époque d’une équipe de rugby et d’une de football. Au rugby nous étions un temps imbattables. L’équipe était menée par MIDDLEMAS, officier de l’armement aérien, un ancien « Cambridge Blue », excellent trois-quarts, D. BELL IRVING et GILES, une paire de demis de première classe et MEINTJIES, une montagne de muscles comme arrière.

L’équipe de football a également gagné de nombreux matchs sous la houlette de son capitaine, un « grand homme », le sergent major ASPINALL. La star était un sergent fourrier, joueur de ligue, qui évoluait à l’avant-centre. Les matchs étaient difficiles à organiser et devaient être reportés quand le temps se mettait au beau. Ils ne pouvaient donc se dérouler que durant les mauvais jours, les « dud days » pour utiliser l’expression consacrée du Royal Flying Corps.

Le major Evelyn P. GRAVES succéda à SMITH BARRY. Jeune d’âge, artilleur d’origine, il s’était écrasé à l’entraînement avec un Gnome Martinside, en 1915 à Netherhaeven. Après plusieurs mois à l’hôpital, il est sorti en fin d’année,  boiteux mais apte à voler. Durant sa période de convalescence au pays  il a exeré les fonctions de capitaine d’Etat-major puis de brigadier major du Général HIGGINS. Aussitôt rétabli il ne cessait de harceler le général pour être autorisé à rejoindre une unité combattante en France. Il fut donc posté au 20ème escadron comme commandant de groupe. Après 6 mois de très bon travail en France, on le renvoya momentanément au pays comme commandant d’une unité d’entraînement.

Juste après sa prise de fonction, l’escadron a été muté de Savy à IZEL LES HAMEAU. Le nom exact de l’emplacement est la FERME DE FILLESCAMPS. Là, avec l’aide des R.E. locaux et grâce aux efforts de GRAVES on aménagea un emplacement extrêmement agréable dans le verger. Celui-ci s’étendait  derrière le grand mur gris qui délimitait le domaine de Monsieur Têtu. C’était une vieille et pittoresque bâtisse, mi ferme, mi château, situé à plus de 2 miles des grands axes de circulation et des voies de chemin de fer ce qui mettait l’aérodrome, pour un temps, à l’abri des bombardements nocturnes tant il était difficile de le repérer par les airs.

Les sapeurs ont construit un mess très confortable avec une large cheminée en briques, des hangars en tôle ondulée regroupés près des cabanes Nissen destinés aux officiers et N.C.O., tout ce qui suffisait à notre bonheur. A cet endroit, dans le verger de Monsieur Têtu, l’escadron trouva un havre de paix chaque fois qu’il n’était pas engagé contre les ennemis. Il est peut-être opportun, à ce moment, de rapporter que chaque pilote, à cette époque, faisait en moyenne trois patrouilles au-dessus des lignes tous les deux jours et revenait à l’aérodrome sans aucun accrochage avec les Boches.

La différence entre ces quartiers et ceux de l’infanterie ou de l’artillerie était frappante. Nous avions de la crème à chaque repas et des bains chauds chaque fois que nous en sentions le besoin. Pour cela, nous avions creusé un trou rectangulaire dans le gazon et l’avons garni d’un liner en drap imperméable. La grande qualité du mess était principalement due à DOBSON, issu du 19ème hussard, il était partiellement paralysé à la suite d’une chute de cheval lors d’un steeple Chase avant-guerre. Bien qu’il ait maintes fois tenté de se qualifier  comme observateur, malgré son handicap, il était devenu notre officier d’intendance.

Durant les premiers mois de 1917 il y eut une très forte gelée qui cloua au sol les avions allemands dont le moteur était refroidi par eau. Cela n’affectait pas nos appareils, refroidis par air. Néanmoins, et cela des deux côtés des lignes, les armes étaient devenues inutilisables en raison de la grande froideur. La gelée cessa mi-février.

Ci-dessous se trouvent les premières lettres écrites par MOLESWORTH qui rejoignit l’escadron à ce moment. Nous en avons repris une grande partie en raison de la grande qualité de sa narration qui décrit parfaitement les évènements.

Mars 1917 « Il a neigé toute la journée, ainsi  j’ai la chance de vous envoyer ce gribouillage. Bien, vieilles tiges, le 2, j’ai fait ma première sortie avec mon commandant de groupe au-dessus des lignes. Ma parole ! C’était un tel voyage que je vais vous le raconter. J’étais attaché au groupe « A » et  une machine m’a été attribuée. Ayant interrogé mon C.O. avec beaucoup d’appréhension, en tremblant, il m’a été dit qu’il voulait m’emmener au-dessus des lignes pour en avoir une vue d’ensemble. Mon rôle était d’observer et suivre mon leader, voir s’il n’y avait pas de Huns et me faire une idée de ce qui se passait au sol. J’ai fait bonne connaissance avec ma machine, ou « grid », terme généralement utilisé par un de nos colonels d’aviation. J’étais bien assuré que, si nous croisions des Huns, je pouvais leur faire passer un moment bien chaud.

Nous avons décollé assez tard dans l’après-midi, grimpant à environ 8000 pieds. La vue était magnifique – le terre couverte d’une fine couverture de neige, partout, au loin, nous pouvions voir les flashs incessants  des armes autour de la vieille ville martyre d’Arras. Des nuages blancs flottaient sur le brouillard gris de l’horizon, à l’est, comme de grands icebergs, leurs sommets teintés d’un rose magnifique dont un seul flottait en l’air.

Je n’ai jamais oublié cette première impression du champ de bataille vu d’avion. Cela différait totalement de ce qu’on peut voir du sol. Aucun Hun n’était en vue mais quelques-unes de nos pièces d’artillerie étaient à l’ouvrage. Nous avons fait demi-tour et avons atterri au crépuscule.

Je ne pense pas vous avoir parlé du Boche que nous avons contraint à descendre la semaine dernière. Nous l’avions intercepté à proximité de notre aéroport – apparemment il avait perdu son chemin dans les nuages. En en sortant, il nous apparut  3000 pieds au-dessus de nos têtes. Evidemment, toutes les machines disponibles décollèrent  pour le poursuivre et l’interceptèrent en quelques minutes car il était forcé de se détourner des lignes par quelques vieux FE8. Ils foncèrent tous sur lui et le contraignirent à atterrir dans un champ labouré. Il posa la machine sans rien casser mais un de ses poursuivants qui appartenait à un escadron proche du nôtre tourna sens dessus dessous tant il était excité en atterrissant. Heureusement il ne heurta personne et géra de façon à empêcher le Hun de mettre le feu à son appareil en pointant un pistolet à feu de détresse sur sa tempe.

Plus tard, j’ai eu une conversation avec le prisonnier en français et compris qu’il était un as ayant un grand nombre de nos machines à son crédit et l’inévitable croix de fer.

Je suis fin prêt, maintenant, pour me faire un Hun et espère pouvoir vous dire, quand je vous écrirai à nouveau, que mon nom apparaît dans le «  comic cuts  (Rapport officiel hebdomadaire du Royal Flying Corps listant la totalité des avions allemands abattus ou mis hors d’usage) ».

Le Nieuport scout mérite notre attention puisque ce sont les types successifs de ces appareils qui ont servi durant presqu’une année de septembre 1916 à juillet 1917. Ce monoplace était un appareil français, le plus performant à ce jour de tous ceux que les alliés ont produit. Les différents types ont équipé les escadrons 15, 16, 17, 21, 24 et 29. Ils ont évolué, améliorant perpétuellement leurs performances bien qu’ils soient tous équipés du même moteur, un 110ch Le Rhone. Ce moteur a été lui-même modifié par un 120 ch. en remplaçant la fonte des pistons par de l’aluminium. Tous ces changements n’ont pas modifié les principales caractéristiques. 

C’était un biplan dont les ailes inférieures n’étaient pas sustentatrices mais servaient  seulement à stabiliser l’appareil lors de vols extrêmes. Les ailes supérieures étaient positionnées en fonction du regard des pilotes, libérant la vue de ces derniers, chose essentielle pour un avion de combat. Il a toujours  été dit que c’est cette caractéristique, celle de permettre une vue dégagée au pilote,  qui fit du Nieuport, en 1916, le meilleur chasseur de notre côté. De construction solide, et très maniable, il pouvait prendre à revers tous les appareils allemands que nous pouvions rencontrer. Il n’était pas très rapide mais grimpait vite jusqu’à 10000 pieds. Il n’y avait pas de meilleur « grid » pour partir à la chasse aux Huns entre la mer et la Somme.

Il était armé d’une seule arme, un Lewis équipé d’un double tambour comportant 19 couronnes de 303 cartouches et deux tambours de rechange. L’arme était montée au-dessus de l’aile. Elle tirait par-dessus l’hélice à un angle légèrement supérieur à l’horizontale.

Les premiers Nieuport étaient traités d’une couleur argent brillante, « dope » (la substance utilisée pour teinter le tissu) et, quand ils étaient bien  bichonnés, avaient fière apparence.

Une autre caractéristique de tous les modèles était la structure en V des entretoises qui  rendait les appareils bien reconnaissables dans les airs bien que les allemands aient utilisé cette même structure pour leurs D3 Albatros.

En conclusion, le Nieuport argenté était une machine agréable à piloter mais peu apte à s’enfuir ou à combattre un ennemi trop timide puisque sa meilleure vitesse à basse altitude n’excédait pas 96 ou 97 miles par heure.